E-commerce alimentaire  : état des lieux et perspectives pour 2023

Le e-commerce alimentaire a connu une croissance exceptionnelle au cours des 2 dernières années, dépassant tous les records et transformant ce circuit en une source majeure, qui ne représentait qu’une partie modeste du modèle économique des marques et des distributeurs, à une source majeure de revenus et de croissance. 

Après la croissance observée en 2020 et 2021, et alors que la vie quotidienne revient plus ou moins à la normale, la question était de savoir si la dynamique allait se maintenir et si les consommateurs français allaient conserver les habitudes acquises pendant le confinement.

Quelle est donc la situation en 2022 et quelles sont les perspectives pour 2023 ? Les consommateurs sont-ils restés fidèles aux parcours digitaux ? Qu’en est-il du quick commerce ?

Découvrez les réponses à ces questions et plus encore dans cet article, qui s’appuie sur les chiffres et insights présentés lors des Ateliers du Drive 2022, organisés par Linéaires et Éditions Dauvers, et sur l’étude budgetbox avec Harris Interactive sur le consommateur omnicanal en 2022.

Deux ans après, une tendance progressive malgré un léger recul 

En 2022, la croissance du e-commerce alimentaire se stabilise. La progression exceptionnelle des deux dernières années pourrait difficilement être maintenue. En effet, en 2022 les ventes en e-commerce alimentaire atteindront 10,4 milliards d’euros, soit une baisse de 2%, alors que le marché de la grande consommation est à +1%.

Cette baisse est toutefois à relativiser : depuis 2019, le secteur a connu une croissance de +53%, une dynamique très favorable malgré une légère diminution. Le pic de 2021 n’a que légèrement régressé. Les dépenses en ligne pour l’alimentation restent élevées malgré la réouverture des magasins, les consommateurs ayant adopté des comportements digitaux. 

Selon Kantar, le drive affiche une pénétration forte et stable en 2022 avec 27,4%, ce qui montre que les Français ne délaissent pas le drive après s’être précipités dessus pendant la crise sanitaire. 

La livraison à domicile quant à elle, a connu une croissance continue au cours des 12 derniers mois et s’installe de plus en plus en France.

Selon Kantar, 9% de la population française a utilisé la livraison à domicile en 2022, un chiffre qui a augmenté de près de 3pts. Les modèles économiques de la livraison à domicile évoluent et les distributeurs retrouvent de la rentabilité, grâce aux innovations, à la robotisation et à l’automatisation. En région parisienne, près de 15% des ménages sont clients de la livraison à domicile, chiffre qui est en hausse de 3,5pts. 

Les enseignes continuent de développer leur réseau 

En septembre 2022, on compte 6479 drives en France, dont 750 nouveaux ont ouvert au cours des 12 mois précédents. Un rythme d’ouvertures plus dynamique que les années précédentes qui avaient vu 567 nouveaux drives en 2020/21, et 193 en 2019/2020. 

Lorsque l’on examine les chiffres, on constate que les distributeurs investissent dans des points de retrait sur le marché de la proximité : le drive piéton et les points de retrait en magasin, pour répondre aux besoins des clients dans les villes. Le drive piéton continue de se développer, avec maintenant plus de 1000 drives piétons ainsi que de recruter des clients avec 2,1% des foyers qui l’ont utilisé en 2022, en progression de 0,7%. Carrefour, qui a ouvert le plus de nouveaux drives en 2022 avec 532 points de retraits, a développé son réseau principalement dans ses formats de proximité (City, Express, Contact), qui viennent en complément des magasins.  

Cependant, il y a encore du potentiel à exploiter : dans les régions métropolitaines de Paris et de Lyon, on observe une sous-représentation des drives malgré la croissance et les ouvertures récentes. Afin de pénétrer ces zones, l’enseigne Cora adopte un modèle différent, n’exploitant que 9 drives piétons mais disposant d’un réseau de 440 points de retrait dans des commerces de proximité comme des boucheries ou des bureaux de tabac. 

Des enseignes disposant d’un fort réseau de drive en périphérie mais d’une présence modeste en ville, comme Auchan, Leclerc et Cora, tentent de s’implanter en centre-ville en investissant dans différents formats de proximité : drive piéton, superettes, dark stores pour préparer des commandes de commerce rapide, casiers de retrait. Les supermarchés situés en périphérie des villes servent à alimenter un réseau de points de retrait situés en centre-ville, avec l’avantage pour les clients de proposer des plus proches de ceux des hypermarchés que des prix généralement plus élevés proposés par le quick commerce. 

Cette croissance des formats de drive de proximité a fait baisser le nombre moyen de références sur le drive, de 14 676 en 2021 à 13 952 un an plus tard, la première baisse depuis plusieurs années. 

La part de l’offre drive en promotion est en baisse 

En ce qui concerne les promotions, 10,5% des produits sur le drive sont en promotion, ce qui est inférieur aux 12,1% de 2021. Aujourd’hui, 31% des offres promotionnelles sont présentes à la fois sur prospectus et en drive.  

Il y a du travail à faire pour les distributeurs et les marques afin de répondre aux attentes des consommateurs. 61% des consommateurs omnicanaux sont en recherche active de promotions et 78% choisissent leurs produits en fonction des promotions. Les promotions sont le troisième critère d’achat prioritaire des consommateurs, alors que l’offre en drive a diminué. 

Le marché du quick commerce se resserre 

Le quick commerce est le format que tout le monde surveille de près. En 2022, la baisse du nombre d’acteurs sur le marché fait la une ; cela était prévisible et prédit. Près de la moitié des acteurs opérant à Paris ont disparu, soit en étant rachetés par un autre, soit en cessant leur activité. On constate également un recul sur certaines promesses et un « ralentissement » du commerce rapide, de nombreux acteurs ne garantissant plus un délai de livraison en 10 minutes mais plutôt en « quelques minutes ». 

Le circuit reste cependant populaire. Le marché du quick commerce a été multiplié par près de 4 en 3 ans et a été utilisé par 7,4% des Parisiens en 2022. Pourtant, lorsqu’on les interroge, seulement 1/3 des clients s’attendent à passer une nouvelle commande dans les 6 prochains mois. 

Néanmoins, les enseignes traditionnelles ont la volonté de prendre une part du gâteau et de s’approprier le territoire marchand du quick commerce. Carrefour a lancé un service de livraison rapide « Carrefour Sprint », grâce aux dark stores de Cajoo et en partenariat avec Uber Eats. En mai, Auchan a converti deux drives piétons format « superette » en dark store pour desservir Paris et Lyon, avec la livraison assurée par Gorillas et Deliveroo. Monoprix est allé plus loin en lançant monop’hop, sa propre application quick commerce. Le client commande directement sur l’appli, et Monoprix prépare la commande dans un de ses magasins qui est ensuite livrée par Deliveroo ou Gorillas. 

Inversement, les pure players du quick commerce montrent un intérêt à s’intégrer dans le paysage des distributeurs traditionnels, notamment Gorillas qui a lancé sa propre gamme de produits sous marque de distributeur. 

Le quick commerce était déjà la cible des élus des villes qui n’appréciaient pas l’apparition de dark stores dans les rues de leurs communes. Cependant en 2022, leur mécontentement a été traduit par la préparation d’un décret pour réglementer ces zones de préparation de commandes et les requalifier en entrepôts, et pour donner plus de pouvoir aux collectivités pour interdire leur implantation. Cela pourrait également entraîner des conséquences sur les drives piétons. 

Face à cette attention accrue, le défi pour les acteurs du quick commerce sera d’apaiser les élus et les habitants des zones d’opération afin de préserver la croissance du e-commerce dans les centres urbains. Cela implique notamment de repenser la livraison du dernier kilomètre afin de réduire l’impact des nuisances sonores, du trafic et de la pollution. 

Des innovations pour construire le e-commerce de demain 

L’année 2022 a été marquée par des innovations de la part des retailers qui cherchent à gagner des parts de marché et à augmenter leurs revenus dans un contexte d’inflation élevée, tout en répondant aux besoins et aux attentes de leurs clients. 

Carrefour a testé deux idées basées sur des algorithmes et l’intelligence artificielle pour aider les clients du drive à mieux consommer et à économiser de l’argent. L’une des innovations consiste à proposer des alternatives saines aux produits que le consommateur a ajoutés à son panier, en se basant sur le nutriscore ou l’emballage. Pendant le test, 9% des clients ont regardé les alternatives, 3% d’entre eux ont accepté au moins une suggestion. Carrefour a également développé un algorithme pour proposer des produits alternatifs dans le panier afin de faire des économies. 

Leclerc a expérimenté un drive sans humain où la commande du client arrive automatiquement dans des bacs, supprimant ainsi le contact humain du parcours client. 

Delipop a lancé à Paris le premier point de retrait robotisé, où encore il n’y a pas d’accueil humain. Le concept de Delipop permet une mutualisation des enseignes dans un même point de retrait, puisque tout retailer peut travailler avec Delipop. Le parcours d’achat ne change pas pour le client, il passe sa commande par exemple sur le drive de Carrefour ou Monoprix, mais la récupère dans un point de retrait Delipop. Une solution intéressante pour les enseignes moins bien implantées dans les villes. 

Conclusion 

L’année 2022 a été celle de la stabilité pour le e-commerce après deux années de forte croissance. Les retailers continuent d’innover dans leurs services et de développer leur offre pour répondre aux besoins en constante évolution des clients qui recherchent la praticité, la simplicité et les économies. Il faut s’attendre à encore de mouvements sur le marché très dynamique du quick commerce qui se voit menacé par les enseignes traditionnelles, l’évolution des habitudes des consommateurs et les élus.