Ateliers du Drive 2020 : bilan & perspectives pour le e-commerce alimentaire

Ateliers du Drive 2020

2020 est une année de grande transformation qui a sans conteste profité au e-commerce alimentaire. Quel bilan en tirer plusieurs mois après le confinement ? Quels sont les modèles qui fonctionneront dans la durée pour le drive et la livraison ? Quelles sont les perspectives pour ces circuits dans les années à venir ?

Lors du rendez-vous annuel toujours très attendu des Ateliers du Drive, Olivier Dauvers et Benoît Merlaud ont fait le point sur les chiffres, les tendances et les perspectives du e-commerce alimentaire en 2020.

1. 2020 : BILAN D’UNE ANNÉE EXCEPTIONNELLE POUR LE E-COMMERCE ALIMENTAIRE

Explosion des commandes, sites internet saturés, délais de retrait drive et de livraison à rallonge : le e-commerce alimentaire a été bouleversé dès le début du confinement mais a su rapidement tirer parti de cette période hors du commun.

En effet, avec +35% de croissance estimé à fin 2020, le drive progresse 6 fois plus rapidement que l’année dernière (+6% en 2019) et 9 fois plus que les autres circuits de distribution cette année (+4% en 2020) !

La croissance exceptionnelle du e-commerce alimentaire au global s’explique majoritairement par le recrutement de nouveaux clients pendant le confinement : +2,5 millions d’après Kantar ! Ce circuit atteint ainsi 40% de taux de pénétration en France.

À noter parmi les nouveaux utilisateurs : un profil de consommateur plus âgé que la cible historique de jeunes parents sur le drive et la livraison, avec un transfert des clients de plus de 50 ans venant de l’hypermarché.

Le e-commerce alimentaire a-t-il réussi à fidéliser ces nouveaux consommateurs après la période de crise ? Il semble bien qu’ils aient été séduit par la praticité du modèle : toujours d’après Kantar, quelques mois après le confinement, 40% des clients gagnés au coeur de la crise sanitaire ont continué à utiliser le e-commerce pour leurs courses alimentaires. Plus d’1 million de clients ont ainsi été recrutés à long terme.

Avec une fréquence de visite et un niveau de dépenses proches de la moyenne du drive, le circuit online entre réellement dans leurs habitudes d’achat.

De leur côté, les distributeurs ont dû adapter leur l’offre pour répondre à cette accélération subite de la demande. La période de confinement a ainsi connu un foisonnement d’initiatives : partenariat avec des services de livraison comme Uber Eats ou Deliveroo, abonnements pour recevoir régulièrement les produits essentiels, créneaux pour les soignants ou encore retour des commandes par téléphone chez Carrefour.

L’enjeu est désormais de trouver le bon modèle à long terme, à la fois pour répondre aux attentes et pour assurer la rentabilité des circuits.

2. QUEL MODÈLE GAGNANT POUR LE DRIVE ET LA LIVRAISON ?

Les parcours online commencent à être bien installés dans les habitudes mais ont encore un fort potentiel d’optimisation. Deux axes d’amélioration majeurs ont été identifiés lors des Ateliers du Drive : la logistique et l’offre.

L’automatisation de la préparation de commandes : inéluctable pour sauver la rentabilité ?

En 2020 les différents modèles de préparation de commandes continuent à cohabiter.

Le “picking” dans les rayons du magasin reste le plus répandu, car c’est le plus facile et le plus rapide à mettre en place. Il a notamment explosé pour s’adapter à la demande pendant le confinement. Mais sa productivité assez faible met en cause la rentabilité du modèle.

Les distributeurs tentent ainsi d’optimiser le temps de préparation avec des modèles intermédiaires : picking en réserve dans le magasin (les fameux black stores), manuel ou plus rarement automatisé. Pour le moment les premiers tests chez Carrefour sur le picking automatisé en réserve semblent peu concluants.

Mais ce sont surtout les plateformes de préparation de commandes (PPC), véritables entrepôts automatisés sur le modèle d’Amazon qui gagnent du terrain en 2020 : avec une commande de 50 articles prête en 5 minutes et sans erreur, ils augmentent considérablement la rentabilité du e-commerce.

L’exemple le plus abouti et qui fonctionne depuis cette année est celui de Monoprix. L’enseigne utilise la technologie d’Ocado dans un entrepôt 100% automatisé, proche de Paris. Monoprix change l’échelle du service livraison de courses avec Monoprix Plus : une livraison en 1h 7j/7.

Les autres distributeurs sont également entrés dans la courses à la rentabilité : Carrefour a notamment investi dans 3 plateformes de préparation de commandes, à Paris et à Lyon.

Le modèle d’entrepôt automatisé semble à terme être la première solution pour préserver la rentabilité des distributeurs, dans un monde où la part des courses en ligne ne cesse de croître.

L’offre au coeur de la performance économique : quelles bonnes pratiques ?

L’assortiment proposé par le drive ou le site de livraison est également un levier pour gagner en performance et en rentabilité.

En effet, d’après une étude IRI, les 1 000 drives les plus performants de France se différencient avant tout par… leur offre de produits !

Voici les bonnes pratiques de ces drives révélées par l’étude :

  • Un nombre de références un peu inférieur à la moyenne des drives
  • Une part de MDD plus faible (et donc un plus large choix de produits de marques nationales)
  • Une part de produits bio plus importante

En synthèse : il semble que la pertinence et l’attractivité de l’offre pour les consommateurs serve plus la performance que la largeur de l’offre.

Une autre facette de l’offre a été évoqué par Olivier Dauvers pour booster la rentabilité du e-commerce : proposer aux consommateurs des formats plus gros et donc plus valorisés sur un même produit, en restant dans la limite de la réponse à leurs besoins. L’idée ici est d’augmenter la valeur d’un panier pour le même temps de préparation (avec le même nombre d’articles).
Les drives ont manifestement une marge d’optimisation sur ce sujet quand on voit par exemple que 90% d’entre eux proposent la bouteille d’Orangina d’1,5 litre et que seulement 38% proposent le format de 2 litres.

Dernier point sur l’offre : on constate toujours de fortes différences entre les catégories sur le e-commerce. Certaines surperforment comme le baby food, les compotes ou les nuggets. D’autres comme le snacking, le vin ou les chewing gums sont beaucoup moins performantes qu’en magasin. 4 critères peuvent expliquer ce phénomène :

  • La routine d’achat
  • La pré-détermination dans le choix du produit ou de la marque
  • L’implication dans l’achat
  • L’expérience d’achat

Ainsi le lait maternel s’achète de manière routinière, à priori toujours la même marque. L’achat à l’instant T est peu impliquant et ne nécessite pas une expérience particulière.
Au contraire l’achat d’une bouteille de vin ne fait généralement pas partie d’une routine : il va dépendre d’un contexte (le repas) et le consommateur va apprécier l’expérience d’achat, la mise en avant des produits en magasin.

Une solution pour les marques est d’utiliser le e-merchandising via le e-retail media pour mettre en avant les produits des catégories que les consommateurs n’ont pas l’habitude d’acheter en drive, et valoriser l’expérience d’achat.

3. QUELLE SERA LA PROCHAINE RÉVOLUTION DU DRIVE ?

Au delà de trouver un modèle rentable, les parcours e-commerce des distributeurs traditionnels doivent faire face à une concurrence toujours plus féroce en ligne. S’adapter et se réinventer en permanence pour rester au plus proche des attentes des consommateurs est une question de survie.

Le pari des Ateliers du Drive ? Après l’expansion et l’organisation logistique, la prochaine révolution sera celle des marchandises.

Faire face à une concurrence nouvelle, en amont et en aval

En e-commerce, ce ne sont plus l’emplacement du magasin ou le stock qui font un bon commerçant, mais le flux de clients sur son site. Ainsi Amazon qui est le site e-commerce le plus fréquenté peut devenir un adversaire dangereux s’il met en avant une offre alimentaire ou théâtralise des marques de grande consommation avec des boutiques dédiées.

De même, la concurrence peut venir des marques qui vendent en direct en ligne, voire des grossistes, comme l’a montré le succès du site “Rungis chez vous”, créé pendant le confinement et qui continue à bien fonctionner.

Les distributeurs peuvent également être court-circuités en aval par leurs propres partenaires sur la livraison : dans l’esprit du consommateur il fait désormais ses courses sur Uber Eats et non sur le site de Carrefour.

Les atouts du drive à exploiter pour se réinventer

Cependant les sites de e-commerce alimentaires présentent un atout de taille face à cette concurrence nouvelle : ils ont déjà établi une relation régulière, généralement hebdomadaire avec leurs clients.

Comment exploiter cet avantage ?

  • Ils peuvent devenir eux-même des concurrents d’Amazon, en proposant d’autres marchandises et en devenant une Market Place. On retrouverait l’avantage du tout sous le même toit des hypermarchés.
    Carrefour a notamment lancé cette année sa Market Place pour proposer des produits d’autres vendeurs : à suivre.
  • Le drive peut devenir un point de retrait pour les autres commerçants : en plus d’être fréquenté régulièrement le circuit a l’avantage d’être beaucoup moins coûteux que la livraison unitaire de produits pour les marchands.
    On pourrait également appliquer ce raisonnement à la livraison à domicile : il suffit d’ajouter un produit à la commande.

Par l’exploitation de ses flux réguliers et une agrégation intelligente de son offre, le e-commerce alimentaire peut ainsi se réinventer et se rendre de plus en plus présent et indispensable aux yeux des consommateurs.

EN CONCLUSION

2020 a accéléré l’entrée du e-commerce alimentaire dans les habitudes de courses d’une grande partie des Français.
L’enjeu est désormais double pour pouvoir passer à la vitesse supérieure et faire durer ces circuits à long terme :

  • Améliorer la rentabilité du drive et de la livraison
  • Mais aussi savoir se réinventer en permanence pour faire face à la concurrence

Les axes d’amélioration comme les opportunités à saisir sont nombreux. La clé est sans doute toujours de comprendre au mieux les attentes des consommateurs et de savoir exploiter ses atouts pour y répondre.